top of page
  • Photo du rédacteurLucas G. Blanchard

Conquêtes et autres catastrophes ~ Fragments d'enfer

Conquêtes et autres catastrophes est une nouvelle de Michel Lamontagne, parue dans le numéro 113 de Solaris, une revue de science-fiction québécoise, au printemps 1995. De plus la nouvelle a aussi été publiée dans Solaris en 2017, dans le numéro 203, sous le nom Fragments d'enfers. Les deux versions représentent quelques différences, mais je parlerai ici de la version de 1995, non parce qu'elle est meilleure, ce que je ne crois pas, mais parce que j'apprécie cette dernière d'une manière particulière, et je souhaite vous partager cette flamme. 


Conquêtes et autres catastrophes est donc une nouvelle parue dans la revue Solaris, trois décennies avant le moment ou j'écris ces mots. À l'époque, la revue n'était pas encore tout à fait ce qu'elle est maintenant, car un certain amateurisme semblait encore flotter dans l'air. Peut-être était-ce le format "journal", ou encore la mise en page en deux colonnes, parsemés de citations en gras sur les côtés. Peut-être était-ce aussi les illustrations d'une autre époque, parfois encore plus obscures et hétéroclites que les nouvelles elles-mêmes. Certains considérons ces vieilles revues comme des bouts de papier sans intérêt, vieillot, ou même kitch, mais cela est bien différents pour moi.


On nous introduit donc à cette nouvelle par une illustration signée Miriam Greenwald, représentant les mystérieux Élohims, la race venant envahir la terre, dans la nouvelle. Leur glaçante représentation est suffisamment nette pour distinguer leurs horribles formes, mais suffisamment floues aussi pour laisser une par de mystère. Si leur visage peut être clairement aperçu pour les deux premiers à partir de la gauche, le troisième semble différent, ressembla plutôt à un serpent ou à une autruche, enfoui sous un tas de vêtements, comme ses deux compatriotes. On peut finalement distinguer une quatrième tête, sous la deuxième.



La première partie; la Cathédrale, introduit les Élohims, une race mystérieuse, venant bâtir une cathédrale sur Terre, pour des raisons inconnues. Quatre jours après leur arrivée, une cathédrale de la hauteur du World Trade Center est construite, et une jeune femme se retrouve au sommet. Après une vingtaine d'années, on finit par comprendre que cette jeune femme ne vieillira jamais, et que les Élohims lui ont donné l'immortalité. Dès cette première partie, ne contenant qu'un seul paragraphe, on comprend que les Élohims sont là pour des raisons échappant à l'humain. Leur nature est presque divine.Ils descendent du ciel, demandent qu'on leur érige une cathédrale et donnent l'immortalité. Finalement, ils sont appelés Élohims, un mot désignant le Dieu hébraïque. Techniquement, le mot Élohim est déjà pluriel sans le s, et Élohims est donc une forme fautive. Dans tous les cas, il est explicitement dit des Élohims que "Après tout, ils n'étaient pas des dieux."


La deuxième partie, la conquête de l'écriture, raconte le récit d'une autre invasion extraterrestre que subi la Terre. Des envahisseurs débarquent à l'équateur et écrivent un message en lettres démesurément grand, faisant le tour de la Terre. Le message reste inconnu, mais une chose est certaine, les humains n'en sont pas à leur première invasion, et ils n'en sont certainement pas à leur dernière. Avec son concept d'écriture planétaire, la partie a pour but de maintenir l'échelle titanesque du récit, et de montrer que les humains subissent les invasions, et semble y réagir avec indifférence, montrant bien que cela est maintenant monnaie courante, pour une raison ou pour une autre.


S'ensuit Cauchemar nouvel âge en noir. Cette partie raconte l'histoire d'un écrivain thérapeutique, basculant du côté obscur et décidant d'ouvrir un cabinet où il donne de mauvais conseils à ces clients. Satan en personne finit par le visiter, et met fin à sa vie. Cette partie est une bien étrange bifurcation. Il n'est plus question d'invasion interplanétaire, mais bien d'une simple histoire à échelle humaine. Néanmoins, il est encore une fois question de religion, et plus précisément de Christianisme, avec l'arrivée de Satan chez l'auteur.


Cauchemar nouvel âge en rouge est la partie suivante. Jacques est un passionné de roche, car il croit en leurs pouvoirs surnaturels. Il finit par découvrir un génie dans l'une d'entre elles, et celui-ci lui exauce le vœu d'avoir la protection absolue. Ainsi, Jacques devient enfermé à l'intérieur d'une pierre précieuse, cachée dans un coffre inviolable. Il est encore question ici de surnaturel, et le récit prend un tournant similaire à celui du récit précédent. Somme toute, le thème y est encore très sombre, et se veut être une critique des vices caractéristique de l'humanité, comme l'avait été le dernier récit. Néanmoins, la brièveté des histoires semble pointer vers une narrative globale ou un fil reliant toutes les parties de la nouvelle.


Cauchemar nouvel âge en rose suit la trame des deux parties précédentes. On suit un homme atteint du cancer du foie, faisant une étrange rencontre lors d'une séance de visualisation. Une fois de plus, l'histoire est sombre et laisse entrevoir une pointe de fantastique. Néanmoins, on semble s'éloigner de plus en plus des invasions extraterrestres du début.


Il peut être dit les mêmes points, de Cauchemar nouvel âge en bleu. Cette fois-ci, ce ne sont ni l'écriture thérapeutique, ni les roches, ni la visualisation, mais bien les plantes et les remèdes naturels qui sont au menu. La recette ne change pourtant pas, et le résultat final demeure un délice. 


L'attaque est un simple paragraphe, mentionnant que les invasions extraterrestres peuvent aussi se faire de façon personnalisée, un individu à la fois. Les parties précédentes commencent donc à faire sens, bien que l'exécution de se petit dénouement ne soit pas idéale.


Boîte vocale est une partie dans la veine des "Cauchemar nouvel âge". L'histoire est un peu plus longue (500 à 1000 motstout au plus), mais le retournement de situation vaut le coup. Celle-ci est probablement ma partie préférée de la nouvelle.


Cathédrale (suite), retourne à l'histoire des Élohims. Ceux-ci reviennent sur Terre, demandent à faire construire une nouvelle cathédrale, et y installent des insectes, capables de manger le métal. Ainsi, les insectes se multiplient, alors que la civilisation s'effondre peu à peu, autant littéralement que figurativement.


Le cirque des morts-vivants diverge un peu de ce qui a été précédemment établi. On assiste à un spectacle de cirque ou tous les numéros terminent en bain de sang. La seule explication qui nous est donnée est que "Les morts-vivants ont adoré le spectacle." Si la noirceur de cette partie est avec le reste de la nouvelle, il n'en ressort pas de cohésion d'un point de vue scénaristique. On peut donc en comprendre que les différentes sections de la nouvelle n'ont pas été conçues de manière à créer une trame narrative complète, mais simplement des fragments d'histoires, parfois reliés entre eux.


Maquillage est une habile critique de la technologie, et de son utilisation afin de corriger notre image. Je ne suis pas certain de comprendre quel était le sujet de la critique pour l'époque (1995), mais aujourd’hui, le message a horriblement bien vieilli, puisque la technologie décrite dans le texte se rapproche dangereusement de notre réalité. Cette catastrophe, elle aussi détachée du reste de la nouvelle, est parmi mes préférés, et mérite plus d'attention que ne lui en donne ce chétif paragraphe.



La cathédrale (fin) est la dernière partie de la trilogie des cathédrales. Cinq-cents ans après leur dernière visite, les Élohims découvrent une humanité ayant fait retraite dans l'océan, afin d'éviter les insectes mangeurs de métal. L'humain est maintenant une espèce bien plus développée, autant d'un point de vue technologique que comportementale. Ainsi leur réussite revient en partie aux Élohims. Cependant, lorsque ceux-ci exigent une nouvelle cathédrale, les humains sévissent.


Rencontre est à nouveau un drame personnel, s'inscrivant bien dans la série des Cauchemar Nouvel Âge. Par des circonstances singulières, un homme provoquera la mort de son grand amour. Si le retournement de situation est un peu tiré par les cheveux, l'histoire demeure très intéressante, mais sans plus.


Ann (La cathédrale - Épilogue) revient sur l'histoire des Cathédrales des Élohims. On suit Ann, l'immortelle, à travers son vagabondage sur la Terre. Elle voit les mouches mangeuse de métal s'élever dans le ciel et être frappées par un éclair, venant tous les tuer. Grâce à cela, les mouches forment une barrière contre les rayons radiateurs du Soleil, maintenant en phase d'hyperactivité. On comprend alors que le but des Élohims était de sauver la Terre de son astre. Si l'idée semble scientifiquement improbable, l'idée est intéressante, et on peut facilement pardonner cette omission en se disant que les Élohims se sont assurés du bon fonctionnement de la barrière vivante à l'aide de leur technologie allant au-delà de la compréhension humaine. Dans tous les cas, cette partie finit très bien la nouvelle et conclut l'arc des Cathédrales.


Conquêtes et autres catastrophes est l'une de mes nouvelles préférées. Le format des histoires est très court, ce qui ne donne jamais le temps de nous ennuyer. Chaque phrase est mesurée et utilisée pour une raison, car l'auteur souhaite à tout prix garder cette concision à l’extrême qui le démarque du reste. Cela ne permet pas de réflexion profonde, mais simplement une constatation des faits qui, mis ensemble, permettent de comprendre l'intention derrière la nouvelle. Ici, il n'est certes pas question d'une morale profonde, d'un sens caché ou d'une critique de la société, bien qu'il en est parfois question dans certaines parties de la nouvelle. Au lieu de cela, on assiste à une idée globale, à une proposition de la part de l'auteur. À la manière du cinéma surréaliste, le message est transmis par des moyens inhabituels. Si le surréalisme utilise des symboles afin de communiquer son message par ce que l'on pourrait gauchement qualifier d'osmose, cette nouvelle communique son histoire à travers une dizaine de récits différents qui, une fois vue dans leur ensemble, nous fait comprendre l'intention de l'auteur.


Voila donc l'intérêt de cette nouvelle. Je vous invite vous aussi à parcourir les anciennes revues et les livres oubliés, car cela donne parfois lieu à de fortuites trouvailles comme celle-ci. L'étrange ne se cache pas toujours sous des reliures dorées, dans des musées renommés ou encore dans la salle obscure de votre quartier. Il faut parfois chercher plus loin dans des chemins moins pratiqués, mais le détour vaut le coup.

Yorumlar


bottom of page