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  • Photo du rédacteurLucas G. Blanchard

La narration de L'étranger, d'Albert Camus

Dernière mise à jour : 1 mars 2022


Que dire d'innovant à propos de ce roman. C'est un classique, voir même plus. Tout a été dit à son égard et ma propre interprétation de ce livre n'est sans doute, ni nouvelle, ni originale, ni même intéressante. Je ne me permettrai donc pas de remâcher des idées qui ont été développées et qui seront redéveloppées ad vitam aeternam. Au lieu de cela, je me contenterai ici de parler de la narration. Celle-ci m'a semblé très intéressante de par sa singularité et, bien que j'ai lu quelques critiques sur ce livre, je n'ai rien lu concernant cet aspect. Voici donc mon opinion sur la narration.


L'étranger est un roman écrit à la première personne. Ce choix de point de vue m'est assez peu familier. Le personnage d'un récit à la première personne nécessite une grande excentricité, car toute l'emphase est portée sur lui et si le lecteur ne s'y intéresse pas, l'expérience est encore pire que si le narrateur était omniscient. Néanmoins ici, Camus va au-delà des conventions en nous donnant un récit où le personnage principal, Meursault, n'est pas particulièrement intéressant. En effet, il semble avoir une vie plus qu'ennuyeuse, ce qui peut aussi être dit des autres personnages de l'histoire. Ses réactions sont, au début, décevantes, et sa perception de ce qui l'entoure en devient presque frustrante. De plus le style de la narration est encore plus léger que pour un roman de Jules Verne. C'est un non-style, à la hauteur de Meursault; vide et glaçant.


Pourtant, la narration fonctionne sans problème. Camus parvient à concentrer notre attention sur l'anormalité des réactions de Meursault et sur sa différence. Si un autre auteur aurait échoué à la tâche, Camus réussit à faire l'impossible, et l'on ne s'ennuie jamais malgré une narration marginale qui n'aurait pas dû fonctionner. Ce simple détail est révélateur de tout le travail de réécriture qui a dû être effectué afin d'avoir un roman intéressant. Tout au long de ces 140 pages, chaque mot a une utilité, et, si ce n'avait pas été le cas, le lecteur aurait été brusquement rebuté par la narration. Je crois que cet aspectdu livre peut être particulièrement apprécié lorsque l'on est écrivain, car l'on a une meilleure compréhension du rythme et de la limite de l'attention des lecteurs. Ainsi, l'on voit à quel point le choix artistique de la narration à la première personne était dangereux. Ici, Albert Camus joue sur la limite narrative avec une habileté déconcertante, et cet exploitest encore plus impressionnant lorsque l'on sait que ceci était son premier roman.


En outre, la narration est essentielle au propos sur l'absurde que souhaite amené Camus. Rien n'est directement expliqué au lecteur et c'est par la réaction de Meursault que l'on comprend le point de l'auteur. C'est par ses opinions et ses réactions intérieures que l'absurdité nous est présentée. Ainsi, si la narration avait été omnisciente, le texte aurait manqué de subtilité et la signification de l'utilisation du passé composé aurait été perdue.


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