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  • Photo du rédacteurLucas G. Blanchard

Le génie de Koyaanisqatsi


Koyaanisqatsi est un film expérimental de 1982 et réalisé par Goddfrey Reggio. Produit par Francis Ford Coppola, le film traite du rapport entre l'humain, la nature et la technologie, par des images dépourvues de contextes et se succédant de manière à ce que le montage seul puisse exprimer l'intention des scénaristes, dont Ron Fricke, aussi directeur photo et monteur du film. Le film est filmé de façon purement documentaire, et ne possède ni de scénario à proprement parler, ni de dialogue, ni de personnages, ni de voix off quelconque. L'unique forme de renseignement oral se retrouve dans la bande originale, lorsqu'un chœur de grave voix masculine prononce le titre du film "Koyaanisqatsi". Ce n'est qu'à la toute fin du film que ce mot mystérieux nous est expliqué.

Ko.yaa.nis.qatsi (from the Hopi language), n. 1. Crazy life. 2. Life in turmoil. 3. Life disintegrating. 4. Life out of balance. 5. A state of life that calls for another way of living.

Ainsi l'on comprend que le film est une critique de notre façon de vivre et de la rapidité à laquelle va la vie. Ce message est appuyé par le montage. La première partie du film s'efforce de montrer des paysages terrestres tels que le Grand Canyon, des vagues et des nuages, tous filmés avec une lenteur que même Kubrick n'aurait pas osé mettre en scène. De ces derniers, on transitionne vers des constructions humaines, telles que des usines de charbon, des centrales nucléaires et des pylônes électriques, ce qui nous amène vers les villes, filmé avec une rapidité qui devient peu à peu insoutenable.


De plus, on compare souvent les humains eux-mêmes à leurs créations technologiques, pour dénoter la vanité de la vie humaine. On n'hésite donc pas à faire suivre une image de saucissons sortant de l'usine à celle d'humains se précipitants dans des escaliers roulants, ou encore de comparer l'aménagement urbain d'une ville à celle d'un circuit imprimé. De loin, l'humanité semble donc vide de sens et tout aussi profonde que de simples objets.



Néanmoins, le film lui-même démontre parfois que cette comparaison nihiliste n'a pas lieu d'être, lorsque l'on sait réellement ce qu'est l'humanité. De l'extérieur, elle peut nous sembler froide et absurde, mais les plans ralentis et rapprochés d'interactions sociales prouvent que l'humanité n'est pas ce qu'elle semble être de loin. On y voit des humains, ayant des émotions et des réactions humaines, chaleureuses, même lorsqu'elles ne sont pas heureuses. Ainsi, on voit un homme devant attendre le prochain ascenseur faute de place, les regards intrigués des passants voyant la caméra ou encore la joie d'un sans-abri nous montrant quelques sous.


Malgré ces quelques éclairs d'humanité, le tout demeure très sombre et pessimiste. La toute dernière scène montre l'accident d'Apollo 13, explosant en centaines de débris, tombant de retour sur terre. Ce dernier plan symbolise peut-être que l'humanité est un échec, et que l'on revole déjà en éclat, sans le savoir jusqu'à ce que l'on s'écrase définitivement au sol.


Bien que ce film semble assez clair dans ses intentions, une question demeure en tête, à la suite du visionnage:


Pourquoi la nature ne nous est-elle pas montrée? En effet il n'est que question d'eau, de nuage et du Grand Canyon desséché. Ainsi, on ne nous montre jamais les vertes étendues de la forêt amazonienne, ou encore la grande barrière de corail. En effet, la nature présentée dans ce film se limite à une poignée d'oiseaux, passant malencontreusement dans certains plans. Cette omission est indubitablement volontaire, mais elle demeure mystérieuse. Mon premier réflexe serait de dire que c'est afin de montrer qu'il n'est pas question d'un message écologique, mais cela me semble peu probable, puisque cette approche aurait été tout à fait dans l'esprit du film. Si l'on critique l'armée, les centrales nucléaires et autres moyens de production d'électricité, la démesure des villes et la vitesse de la vie, on peut tout aussi bien critiquer la mise en danger de la nature. Ce sujet n'était certes pas aussi populaire qu'aujourd'hui en 1982, mais il existait déjà. Ainsi, je ne sais pas pourquoi l'on ne nous montre pas la nature, car cet élément semble être le premier auquel j'aurais pensé à mettre dans la première partie du film.

Je me dois finalement de parler de la musique du film, créée par le compositeur Philip Glass, surtout connu pour ses pièces classiques. Pourtant ici, il est plutôt question de synthés, simple mes efficaces. Il n'est pas question d'expérimentation mirobolante à la Jean-Michel Jarre, mais le résultat est tout de même très bon et sa simplicité permet un plus fort impact, appuyant très bien l'ambiance du film.


J'ai bien aimé l'expérience que m'a fournie ce film. Le visionnage est intéressant et permet un angle de vue extérieure sur l'humanité. Le projet est réussi, et les plans sont tous très beaux. Quant au rythme, il est certes non-conventionnelle, mais les séquences me semble être bien dosées et lorsque le sujet s'épuise, on passe à la prochaine. Je recommande donc ce film à tous ceux appréciant le cinéma expérimental et contemplatif, ou simplement ceux avides d'expériences nouvelles et différentes.

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