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  • Photo du rédacteurLucas G. Blanchard

Perspective

Dernière mise à jour : 15 janv. 2022


Voici une très courte nouvelle que j'ai écrite il y a quelque temps et que je souhaite vous partager. L'histoire de cette nouvelle est inspirée d'un cauchemar dont j'ai été l'objet, il y a de cela de quelques années. Cette expérience m'avait fait une forte impression et j'ai voulu retranscrire ce sentiment par écrit. La voici donc, dans sa forme la plus concise et travaillée.


Ce matin-là, en me réveillant, je vis qu’une lettre avait été glissée par la fente de ma porte.


À cette époque, je n’avais plus de famille ni d’amis depuis le décès prématuré de ma sœur, l’automne précédent, ce qui m’avait poussé à me reclure dans mon appartement, seul. Outre ma femme de ménage, je n’avais plus aucun contact susceptible de m’envoyer une lettre.


C’est donc avec une curiosité légitime que j’ouvris l’enveloppe sur laquelle on avait inscrit mon nom, sans toutefois révéler celui de l’expéditeur. Je l’ouvris et y trouva une feuille entièrement vierge à l’exception d’une courte phrase et d’un sobre dessin. Le message était écrit en cursive d’une main habile, et se lisait comme ceci :


Je suis la perspective véritable.


Le texte était suivi d’une icône représentant un œil dépourvu de son iris.


Décontenancé par cette lettre des plus mystérieuses, je passai ma journée à tenter d’en comprendre le sens. Je retournai la phrase dans tous les sens dans l’espoir d’y trouver un message caché, sans résultat. L’œil quant à lui, pouvait signifier tout et rien à la fois, ce qui ne fit que me perdre dans les opaques ténèbres de la confusion.


Lorsque vint la nuit, je m’imposai une trêve et allai me coucher, dépité. Durant mon sommeil, Morphée me fit grâce et m’emporta dans un bazar du Moyen-Orient, bondé des créatures sans visage qui peuplent si souvent les rêves agités.


J’errai donc dans cette foule, scrutant les marchands et leurs produits. Bibelots, breloques, bagatelles et autres frivolités occupaient en abondance le sol et les tables dans un désordre sans nom.


C’est alors que j’aperçus une table sur laquelle son marchand avait disposé un seul objet, chose incroyable dans un endroit où l’espace manquait tant. Je m’approchai un peu plus et vis que l’objet en question était un œil humain sans iris. Interpelé par ce détail révélateur et par l’absurdité de la situation, je fixai l’œil. La sombre pupille s’agrandit alors dans l’œil et au-delà, jusqu’à occuper l’entièreté de mon champ de vision. Les murmures se dissipèrent peu à peu, et les étoiles apparurent, une à une, jusqu’à emplir l’œil, maintenant devenu voute céleste.


Toutefois, cette vision fut de courte durée, car ma vue s’élargit encore et encore, faisant disparaitre toutes les étoiles de la galaxie à l’horizon.


Puis, lorsque l’univers tout entier s’offrit à mes yeux, je pus contempler le vide éthérique de l’espace dans toute sa grandeur. Une voix grave perça alors le silence pour déclarer : « Je suis la perspective véritable ».


En entendant ces paroles, mes sens s’éteignirent peu à peu et je m’engouffrai dans un sommeil nouveau.


Le lendemain, ma femme de ménage découvrit un corps inerte, étendu dans mon lit. C’était le mien.

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